Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/202

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été assujetti, en Amérique, à un système, et que chaque individu y a toujours eu le droit d’agir à sa volonté, des esprits plus hardis ont commencé de bonne heure à se soustraire au joug d’une coutume dont leur sécurité compensait à peine les inconvénients. Même dans l’établissement que nous venons de décrire, dix à douze humbles habitations, se montraient au milieu de défrichements récents, sur la pente des montagnes, dans des situations trop éloignées pour les rassurer beaucoup contre une attaque soudaine de l’ennemi commun.

Cependant pour la protection générale en cas de dernière extrémité, un bâtiment fortifié, à peu près semblable à celui que nous avons déjà eu occasion de décrire, s’élevait sur un site convenable à peu de distance du village. Les fortifications en étaient plus solides et plus soignées que de coutume, les palissades en étant flanquées de forts ; et à tous égards cet édifice semblait en état d’opposer la résistance qui peut être nécessaire au genre de guerre de ce pays. C’était là que le prêtre faisait sa demeure ; et l’on y conduisait à temps la plupart des malades, afin de prévenir la nécessité de les y transporter dans un moment moins commode.

Il est presque inutile de dire aux Américains que de lourdes cloisons en planches subdivisaient la totalité de cet établissement en enclos de huit à dix acres ; qu’on voyait paître çà et là des bestiaux et des troupeaux, sans bouviers ou bergers pour les garder, et que, tandis que les champs les plus voisins des habitations commençaient à montrer une culture intelligente, les terres plus éloignées prenaient graduellement un caractère plus sauvage, jusqu’à ce qu’on arrivât aux nombreux défrichements, où les arbres abattus et dépouillés de leur écorce étaient étendus presque au milieu de la forêt vivante. Tels sont, en plus ou en moins, les accessoires de toute scène rurale dans les districts du pays où le temps n’a encore fait que les deux premiers pas dans la carrière des améliorations.

À la distance d’un demi-mille de la maison fortifiée, ou de la garnison, comme on l’appelait par un étrange abus de ce terme, s’élevait un bâtiment dont les prétentions étaient fort supérieures à toutes les autres habitations du village. Cet édifice, quoique fort simple, couvrait une beaucoup plus grande étendue de terrain, et quoiqu’il ne fût que de nature à pouvoir appartenir à un cultivateur aisé, il se faisait remarquer par un air de prospérité que le