Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/221

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Des messagers avaient été envoyés aux tribus les plus voisines, avec lesquelles on n’était en paix qu’à demi, et qui conspiraient déjà. On avait employé les promesses et les menaces pour tâcher d’apprendre quels étaient les sauvages qui avaient dévasté la vallée, et pour savoir, ce qui était encore plus intéressant, quel avait été le sort de leurs malheureuses victimes. Mais toutes les mesures qu’on avait prises pour connaître la vérité avaient échoué. Les Narragansetts affirmèrent que leurs ennemis constants, les Mohicans, agissant avec leur perfidie ordinaire, avaient pillé leurs amis les Anglais ; et les Mohicans, de leur côté, rejetèrent avec force cette imputation sur les Narragansetts ; d’autres fois quelques Indiens affectaient de faire de sombres allusions aux sentiments hostiles de guerriers farouches qui, sous le nom des Cinq Nations, vivaient, comme on le savait, dans les limites de la colonie hollandaise des Nouveaux-Pays-Bas. Quelques-uns parlaient aussi de la jalousie des visages pâles qui parlaient une autre langue que les Anglais[1]. En un mot, toutes les enquêtes ne produisirent aucun résultat ; et Content, après avoir permis à son imagination de lui représenter sa fille comme vivant encore, se trouva obligé d’admettre la probabilité qu’elle était ensevelie bien loin dans cet Océan de déserts qui couvrait alors la plus grande partie de ce continent.

Un jour, pourtant, un bruit de nature à ranimer les espérances éteintes était parvenu jusqu’aux oreilles de la famille. Un marchand ambulant, qui avait voyagé des établissements les plus reculés dans l’intérieur jusqu’à ceux des côtes de la mer, arriva dans la vallée, et dit qu’une jeune fille de l’âge que devait avoir alors celle dont la mort paraissait indubitable, vivait parmi les sauvages sur les bords des petits lacs de la colonie voisine. Il y avait une grande distance à parcourir pour s’y rendre ; ce voyage exposait à mille dangers, et le résultat n’en était nullement certain : cependant ce rapport réveilla l’espoir endormi depuis si longtemps. Mais Ruth ne faisait jamais aucune demande qui au-

  1. La colonie de New-York étant originairement un établissement hollandais, une grande rivalité existait entre les Hollandais et les Anglais, et de continuelles discussions s’élevaient au sujet des limites. Les premiers réclamaient le territoire entre la rivière de Connecticut et la baie de Chesapeake, qui contient maintenant les États de Delaware, de Pensylvanie, de New-Jersey, New-York et une partie du Connecticut. Comme cette spacieuse ceinture de terres séparait les colonies anglaises du Nord de celles du Sud, les premières reçurent le nom de Nouvelle-Angleterre, pour les distinguer des autres qui conservent encore celui de Pays-Bas.