Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/223

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répondit Dudley, qui ne pouvait passer pour un observateur exact en ce genre, quoiqu’il ne manquât pas d’attention pour ce qui concernait plus intimement ses affaires journalières. Elle n’est pas jeune et fraîche comme toi, Foi, et c’est bien rarement que nous voyons…

— Je te dis que, c’est le chagrin qui a produit ces changements, et qu’elle ne vit que dans le souvenir de son enfant.

C’est porter le deuil au-delà des bornes de la raison. Sa fille est en paix, de même que ton frère Whittal ; il n’y a pas à en douter. Si nous n’avons pas trouvé leurs os, c’est le feu qui en a été cause, car il ne nous a laissé que peu de chose à dire de…

— Ta tête est un vrai cimetière, Dudley ; mais cet échantillon de son ameublement ne me suffira pas. Celui qui veut être mon mari doit être sensible aux chagrins d’une mère.

— Que se passe-t-il donc dans ton esprit, Foi ? Est-ce qu’il m’est possible de rappeler les morts à la vie, ou de replacer dans les bras de ses parents un enfant qu’ils ont perdu depuis tant d’années ?

— Oui… N’ouvre pas de si grands yeux, comme si la lumière entrait pour la première fois dans l’obscurité d’un cerveau qui n’est rempli que par des brouillards. Je te le répète, oui.

— Je suis charmé d’avoir obtenu de toi cette déclaration, car j’ai déjà perdu trop de temps de ma vie à des galanteries qui n’avaient aucun but, tandis que la prudence et l’exemple de tous ceux qui m’entourent doivent m’apprendre que, pour devenir un père de famille et être regardé comme un colon raisonnable, j’aurais dû commencer un défrichement, et me marier il y a déjà quelques années. Je désire me conduire avec justice à l’égard de tout le monde, et comme je t’ai donné lieu de croire que le jour pourrait venir où nous vivrions ensemble comme il convient à des gens de notre état, j’ai cru devoir te proposer de courir avec moi les chances de la vie ; mais puisque tu me demandes des choses impossibles, je vois qu’il faut que je cherche ailleurs.

— Tu as toujours été le même, Dudley. Quand la bonne intelligence règne entre nous, tu trouves toujours quelque cause de mécontentement et tu rejettes le blâme sur moi ; et Dieu sait si je fais rarement quelque chose qui puisse t’offenser. Quelle folie te fait rêver que je demande une chose impossible ? Certainement, Dudley, tu n’as pas remarqué de quelle manière madame se laisse consumer peu à peu par le chagrin ; tu n’as pas vu toute