Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/225

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se présentait excita le respect et la pitié même des habitants barbares du désert. Une députation des chefs vint le recevoir, et le conduisit dans un wigwam où l’on alluma le feu du conseil. Un interprète exposa sous le jour le plus favorable les intentions pacifiques des deux voyageurs, la demande qu’ils avaient à faire, et montra les objets qu’ils avaient apportés pour la rançon de la prisonnière. Le sauvage américain ne relâche pas aisément un individu naturalisé dans sa tribu. Mais l’air de douceur de Content et sa noble confiance touchèrent la sensibilité secrète de ces enfants des bois, généreux, quoique féroces. Ils envoyèrent chercher la captive, pour qu’elle se présentât devant les anciens de la peuplade.

Aucune expression ne pourrait peindre la sensation qu’éprouva Content au premier coup d’œil qu’il jeta sur cette fille adoptive des sauvages. Elle paraissait être du même âge qu’aurait eu sa fille ; mais au lieu des cheveux blonds et des yeux d’azur de l’ange qu’il avait perdu, il vit une jeune fille dont les yeux noirs comme le jais et la chevelure de même couleur annonçaient plutôt le sang français du Canada que la race saxonne dont il descendait. Le père n’avait pas une grande vivacité d’esprit dans les occupations ordinaires de la vie, mais en ce moment la nature l’inspirait, et il n’eut pas besoin d’un second regard pour voir que ses espérances avaient été cruellement trompées. Un gémissement à demi étouffé s’échappa de son cœur ; mais il reprit sur-le-champ son empire sur lui-même avec toute la dignité de la résignation chrétienne. Il se leva, remercia les chefs de leur indulgence, et ne leur cacha pas la méprise qui lui avait fait entreprendre un voyage si inutile.

Tandis qu’il parlait ainsi, les signes et les gestes de Dudley lui apprirent que son compagnon avait quelque chose d’important à lui communiquer. Dans une entrevue particulière, son ami lui fit sentir qu’il serait à propos de dissimuler la vérité, afin de tirer cette jeune fille des mains de ses maîtres sauvages. Il était alors trop tard pour recourir à une supercherie qui aurait pu les conduire à ce but si les principes austères de Content lui eussent permis d’employer cet artifice. Mais se mettant à la place du père inconnu, qui probablement gémissait comme lui sur le sort incertain de sa fille, il offrit pour le rachat de la jeune captive la rançon qu’il avait apportée pour celui de la fille qu’il cherchait. Son offre fut refusée. Trompés dans toutes leurs espérances, les deux