Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/23

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nommé, et la restauration du fils de celui qui est assez étrangement appelé martyr[1]. Mark Heathcote écoutait le récit de ces événements, si rares et si extraordinaires dans la fortune des rois, avec une soumission profonde et respectueuse à la volonté de celui aux yeux duquel les sceptres et les couronnes ne sont que les hochets les plus coûteux. Semblable à la plupart de ses compatriotes qui avaient cherché un refuge sur le continent occidental, ses opinions politiques, sinon entièrement républicaines, avaient un penchant à la liberté fortement en opposition à la doctrine des droits divins des monarques, quoiqu’il fût loin de partager les passions ambitieuses qui avaient peu à peu excité ceux qui approchaient le plus près du trône à perdre leur respect pour sa sainteté et à le souiller de sang. Lorsque les voyageurs errants, qui à de longs intervalles visitaient la plantation, parlaient du protecteur qui, pendant tant d’années, gouverna l’Angleterre avec un sceptre de fer, les yeux du vieillard s’animaient subitement et brillaient d’un vif intérêt. Une fois en causant, après la prière du soir, sur les vanités et les vicissitudes de cette vie, il avoua que cet homme extraordinaire qui était alors de fait, sinon de droit, assis sur le trône des Plantagenet, avait été le joyeux compagnon et l’irréligieux associé de bien des heures de sa jeunesse. Alors suivit un long et pieux discours improvisé sur la folie d’attacher ses affections aux choses de cette vie, et une louange détournée, mais suffisamment intelligible, sur la sagesse qui l’avait conduit à élever son tabernacle au milieu des déserts, au lieu de diminuer les chances d’une gloire éternelle en recherchant avec trop d’ardeur la possession des perfides vanités de ce monde.

Mais la douce Ruth elle-même, quoique peu habituée à l’observation, pouvait remarquer le feu des regards, le rapprochement des sourcils et l’altération subite des joues pâles et sillonnées de son beau-père lorsque les scènes meurtrières des guerres civiles devenaient le thème des discours du vieux soldat. Il y avait des moments où sa soumission religieuse, et nous avons presque dit ses préceptes religieux, étaient en partie oubliés, lorsqu’il expliquait à son fils attentif et à son petit-fils la nature de l’attaque,

  1. Ce jugement, sous la forme épigrammatique, de la révolution anglaise, paraîtra d’autant moins extraordinaire sous la plume d’un républicain, que le docteur Lingard lui-même prononce, dans son histoire récente, que Charles Ier méritait la mort. Ce n’est pas ici le lieu de relever ni l’historien ni le romancier.