Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/236

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souvenir ; celle qui a veillé à ce qu’il ne te manquât jamais rien, qui n’a jamais refusé d’écouter tes plaintes, qui a adouci toutes tes souffrances ? Regarde-moi en face ; te dis-je ; me reconnais-tu ?

— Certainement, répondit Whittal avec son rire mais, mais avec une expression de physionomie qui semblait indiquer qu’il la reconnaissait à demi. Tu es une femme des visages pâles ; une femme, j’en réponds, qui ne sera jamais satisfaite qu’elle n’ait sur le dos toutes les fourrures de l’Amérique, et tout le gibier de nos bois dans sa cuisine. Sais-tu comment cette race maudite arriva dans nos forêts pour les voler aux guerriers du pays ?

L’espoir de Foi se trouvait trop cruellement déçu pour qu’elle pût continuer à l’écouter patiemment ; mais en ce moment une femme parut à son côté, et, par un geste qui annonçait sa volonté avec douceur, elle l’invita à flatter l’humeur de son frère.

C’était Ruth, dont les joues pâles et les yeux inquiets semblaient le miroir de la tendresse maternelle. Quoiqu’elle eût succombé à la violence de son émotion bien peu de temps auparavant, le sentiment sacré qui la soutenait alors semblait lui tenir lieu de toute autre assistance ; et Content lui-même, quand il la vit entrer dans le cercle, crut devoir ne lui faire aucune remontrance pour l’arrêter, ni avoir besoin de la suivre pour la secourir au besoin. Le geste expressif qu’elle fit en arrivant semblait dire : — Ne vous lassez pas, et ayez toute l’indulgence possible pour la faiblesse d’esprit de ce jeune homme.

Le respect habituel qu’avait pour elle la femme de Dudley l’arma d’une nouvelle patience, et elle se disposa à obéir.

— Et que dit la sotte tradition dont tu parles ? demanda-t-elle à son frère, espérant que le cours de ses idées n’aurait pas encore eu le temps de changer de direction.

— C’est ce que disent tous les vieillards des villages, et ce qu’ils disent est vrai comme l’Évangile. Toutes ces montagnes et ces vallées que vous voyez autour de vous étaient autrefois couvertes de forêts qui ne craignaient pas la hache et qui étaient remplies de gibier. Il y a dans notre tribu des coureurs et des chasseurs qui ont été toujours tout droit vers le soleil couchant, tant que leurs jambes ont pu les porter, et jusqu’à ce qu’ils ne vissent plus les nuages suspendus sur le grand lac d’eau salée, et ils ont trouvé partout la terre aussi belle que cette montagne que vous voyez là-bas, des rivières, et des lacs remplis de poissons et de castors, et de grands arbres, et des bois où les daims