Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/243

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évaluée peu de temps auparavant à cent vingt mille âmes ; et sur ce nombre on calculait que seize mille hommes étaient en état de porter les armes. Si Metacom avait eu le temps d’amener ses plans à leur maturité, il aurait pu facilement assembler des troupes de guerriers qui, aidés par la connaissance qu’ils avaient des bois, et habitués aux privations de ce genre de guerre, auraient menacé d’un danger sérieux la force croissante des Européens ; mais le sentiment d’égoïsme, ordinaire à l’homme, avait autant d’activité parmi ces tribus sauvages que chez les peuples plus civilisés. L’infatigable Metacom, de même que ce héros indien de nos jours, Técumthè[1], avait passé des années à tâcher d’apaiser d’anciennes inimitiés et de calmer les jalousies, afin que tous les peuples de la Peau Rouge pussent se réunir pour écraser leurs ennemis, persuadé que s’ils n’étaient promptement arrêtés dans leur progrès, ceux-ci allaient devenir bientôt trop formidables pour que les efforts des Indiens pussent venir à bout de les terrasser. L’explosion prématurée fut en quelque sorte ce qui détourna le danger ; elle donna aux Anglais le temps d’affaiblir la tribu de leur plus grand ennemi, avant que ses alliés se fussent déterminés à faire cause commune avec lui. L’été et l’automne de 1675 s’étaient passés en hostilités actives entre les Anglais et les Wampanoags, sans attirer ouvertement aucune autre nation dans leur querelle. Une partie des Pequots, avec les tribus qui dépendaient d’eux, prirent même parti pour les blancs ; et nous lisons que les Mohicans s’occupèrent activement à harasser le sachem lors de sa retraite bien connue de cette langue de terre où il était entouré par les Anglais qui se flattaient que le manque de vivres le réduirait à se soumettre.

Comme on pouvait s’y attendre, la guerre qui eut lieu pendant le premier été fut accompagnée de succès variés, la fortune favorisant aussi souvent les sauvages dans leurs attaques irrégulières que leurs ennemis mieux disciplinés. Au lieu de borner ses opérations à ses propres districts, plus faciles à entourer, Metacom avait conduit ses guerriers sur les établissements lointains du Connecticut, et ce fut pendant les opérations de cette saison que

  1. Técumthè était un fameux chef de la tribu des Shawanees. Dans leur dernière guerre avec les Américains, en 1815, les Anglais appelèrent sous leurs drapeaux les derniers chefs des tribus de la vieille Amérique. Técumthè était le chef le plus considéré de tous ces guerriers sauvages : ses exploits, son héroïsme et ses talents sont encore en vénération parmi les Indiens. Il périt dans l’affaire de la ville Morave, et l’on prétend que les Américains firent de sa peau des cuirs à rasoirs.