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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/258

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la gratitude et l’adoration de ses créatures. Pour l’homme dont l’esprit n’est point encore corrompu, il existe dans une telle scène un charme enchanteur qui semble participer de celui de Dieu lui-même. Cette tranquillité générale permettait aux sons les plus faibles d’être entendus. Le bourdonnement de l’abeille, celui de l’aile de l’oiseau, parvenaient à l’oreille comme les accents d’une action de grâces à l’auteur de l’univers. Ce repos momentané est plein d’éloquence. Il devrait enseigner combien les jouissances des beautés de ce monde, combien la paix, combien même les charmes de la nature dépendent de l’esprit qui nous fait agir. Lorsque l’homme repose, tout, autour de lui, semble jaloux de contribuer à sa tranquillité ; et lorsqu’il abandonne les grossiers intérêts du monde pour élever son esprit vers son Dieu, toutes les créatures vivantes semblent s’unir à son culte. Quoique cette apparente sympathie de la nature soit peut-être moins vraie qu’imaginaire, le bien qu’on peut en retirer n’en est pas pour cela moins réel ; il montre suffisamment que ce que l’homme considère comme bon dans le monde est essentiellement bon, et que la plupart de ses maux viennent de sa propre perversité.

Les habitants de la vallée de Wish-ton-Wish étaient peu disposés à troubler le repos du sabbat. Leur erreur était dans l’excès contraire, car ils faisaient consister le bien dans leurs efforts à élever l’homme au-dessus des faiblesses de la nature. Ils substituaient le triste aspect d’une austérité qu’ils croyaient sublime, à cet extérieur gracieux, quoique régulier, si bien fait pour manifester leurs espérances et leur gratitude. Les manières particulières de ceux dont nous parlons étaient produites par l’erreur des temps et du pays, bien que quelque chose de leur caractère rigide et singulier pût être le résultat de l’exemple et des préceptes de celui qui avait la direction des intérêts spirituels de la paroisse. Comme cette personne se trouve liée aux incidents de notre récit, nous allons essayer de tracer son portrait.

L’esprit du révérend Meek Wolfe[1] présentait une rare combinaison de l’abnégation la plus humble et des opinions religieuses les plus violentes. Comme la plupart de ceux qui étaient revêtus, dans la colonie, du caractère sacré, il était non seulement le des-

  1. Dans les romans, comme dans les pièces de théâtre, les Américains, à l’imitation des Anglais, donnent volontiers à leurs personnages un nom significatif, qui résume le caractère que leur attribue l’auteur. Le nom de Meek Wolfe est assez bizarre pour être remarqué ; Meek Wolfe signifie doux loup.