Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/303

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yeux d’un grand guerrier et le rend aveugle comme un hibou en face du soleil… Je la vois…

Metacom s’arrêta, car à ce moment un être qui rappelait la description qu’il venait de faire parut devant lui, offrant la réalité du portrait imaginaire qu’il venait de tracer avec tant d’art et d’ironie.

Les mouvements du fièvre timide ne sont pas plus précipités ni plus indécis que ne l’étaient ceux de la jeune créature qui se présenta subitement devant les guerriers. Il était facile de deviner à son hésitation et à un pas qu’elle fit en arrière, après le saut léger qui avait annoncé sa présence, qu’elle craignait d’avancer, en même temps qu’elle ne savait pas à quelle distance il était convenable de s’éloigner.

Pendant le premier moment elle s’arrêta dans une attitude qui annonçait le doute, comme celle que pourrait prendre une créature aérienne avant de s’évanouir dans les airs ; alors, rencontrant les regards de Conanchet, son pied déjà levé toucha de nouveau la terre, et toute sa personne prit l’expression modeste et craintive d’une jeune fille indienne qui se trouve en la présence du sachem de sa tribu. Comme cette femme jouera un rôle dans le reste de cette histoire, le lecteur permettra que nous fassions une description un peu détaillée de sa personne.

Cette étrangère n’avait pas encore vingt ans. Sa taille s’élevait au-dessus de celle des jeunes filles indiennes, quoique ses formes fussent aussi délicates et aussi jeunes. Les contours qu’on pouvait apercevoir sous les plis d’une espèce de jaquette de drap écarlate rappelaient les proportions sévères de la beauté classique. Jamais pied moins plat et jambe plus arrondie n’avaient chaussé le moccasin. Quoique toute sa personne fût voilée depuis le cou jusqu’aux genoux par un vêtement serré de calicot et par l’espèce de jaquette dont nous avons parlé, ces vêtements trahissaient des contours qui n’avaient jamais été gâtés, soit par les conventions de l’art, soit par les effets de la fatigue. Sa peau n’était visible qu’aux mains, au visage et au cou. Son lustre avait été un peu terni par le soleil ; une teinte d’un rose prononcé avait remplacé une blancheur qui avait eu le plus grand éclat. Ses yeux étaient doux, et leur couleur rappelait l’azur du ciel ; les sourcils fins et bien arqués, le nez droit, délicat et d’une forme grecque ; le front était plus plein que celui des filles des Narragansetts, mais brillant et régulier. Les cheveux, au lieu de flotter en longues tresses