Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/304

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noires, sortaient du wampum de perles en boucles d’un blond doré.

Les particularités qui distinguaient cette femme des autres femmes de la tribu ne consistaient pas seulement dans l’ineffaçable empreinte de la nature ; sa démarche avait plus d’élasticité ; sa taille était plus droite et plus gracieuse, son pied plus en dehors, ses mouvements plus libres, moins indécis que ceux d’un sexe condamné depuis l’enfance à la servitude et au travail. Quoique embellie par les bagatelles conquises sur la race abhorrée dont elle avait, suivant toute apparence, reçu le jour, elle avait le regard timide et sauvage de ceux parmi lesquels sa jeunesse s’était écoulée. Sa beauté eût été remarquable dans tous les pays ; mais le jeu de sa physionomie, l’expression ingénieuse de ses yeux, la liberté de ses membres et de ses mouvements, ne se voient plus au-delà de l’enfance parmi des peuples qui, en essayant de perfectionner, détruisent souvent l’ouvrage de la nature.

Quoique la couleur des yeux fût si différente de celle qui appartient en général aux filles d’une origine indienne, les regards rapides de ses yeux et l’expression mêlée d’alarme et de finesse avec laquelle cette créature extraordinaire examina ceux devant lesquels elle avait été appelée ressemblaient à l’instinct d’une fille sauvage habituée à un exercice constant de ses plus subtiles facultés. Montrant d’un de ses doigts Whittal Ring, qui était debout à une faible distance, elle dit d’une voix douce dans le langage des Indiens :

— Pourquoi Conanchet a-t-il envoyé dans les bois chercher sa femme ?

Le jeune sachem ne fit aucune réponse. Un observateur ordinaire n’aurait pu découvrir dans ses traits s’il s’était aperçu de l’arrivée de l’étrangère. Il conservait la hauteur et la sévérité d’un chef occupé d’affaires, et, quelque profondément que son esprit pût être troublé, il n’était pas facile de deviner le secret de ses pensées sur ses traits impassibles. Pendant un seul instant, il jeta un regard de bonté sur la timide jeune fille ; puis, posant le tomahawk encore sanglant sous son bras, tandis que sa main ferme en saisissait la poignée, il conserva la même immobilité dans ses traits et la même fierté dans son attitude. Philippe n’était point aussi calme lorsque la jeune femme parut ; son front s’obscurcit et ses sourcils se rapprochèrent ; mais bientôt ses