toute la puissance de la nature ; le vieillard et le jeune homme la reconnurent également, et les malheurs récents furent oubliés dans la joie pure d’un semblable moment. La fermeté même du fier Conanchet fut ébranlée. Levant la main qui tenait encore le tomahawk sanglant, il se cacha le visage ; et, tournant la tête afin que personne ne pût voir la faiblesse d’un grand guerrier, il pleura.
CHAPITRE XXVI.
n quittant la montagne, Philippe avait assemblé les Wampanoags ;
et soutenu par l’obéissant et cruel Annawon, sauvage qui
aurait pu, sous de meilleurs auspices, être un digne lieutenant de
César, il abandonna les champs de Wish-ton-Wish. Habituée à
voir ces brusques séparations entre leurs chefs, la troupe de
Conanchet, qui eût conservé sa tranquillité dans des circonstances
bien plus difficiles, le vit partir sans que ses alarmes ou sa curiosité
fussent excitées. Mais lorsque leur propre sachem parut dans
le lieu qui était encore rouge du sang des combattants, et fit connaître son
intention d’abandonner une conquête qui était presque
achevée, il ne fut pas entendu sans murmure. L’autorité d’un chef
indien est loin d’être despotique ; et bien qu’il y ait raison de croire
que ses droits sont ceux de la naissance, il tient son principal
pouvoir de ses qualités personnelles. Heureusement pour le chef
narragansett, son père, le célèbre et malheureux Miantonimoh,
n’avait pas acquis une plus grande renommée par sa sagesse et sa
bravoure que celle qui avait été justement obtenue par son fils. Le
caractère sauvage et le cruel désir de vengeance des plus hardis
guerriers reculèrent devant les regards en courroux d’un œil qui
menaçait rarement sans que ses menaces fussent exécutées : il n’y
en eut pas un qui voulût accepter le défi de venir braver sa colère,
ou opposer son éloquence à celle de son chef, et qui n’abandonnât
donnât une dispute que le respect lui persuadait devoir être