Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/379

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— Ce fut une action sanglante ! murmura l’idiot. Le menteur Mohican a frappé un grand chef par derrière. Qu’il efface avec les ongles de ses pieds l’empreinte de son moccasin sur la terre, comme un renard dans son terrier ; car il y en a un qui suivra sa piste avant qu’il puisse cacher sa tête. Nipsett sera un guerrier à la prochaine chute des neiges !

— J’entends la voix de mon frère, s’écria Foi en avançant avec précipitation. Mais elle recula aussitôt en se cachant le visage dans ses mains, et, frappée d’une affreuse surprise, elle se laissa tomber à terre.

Bien que le temps parcourut sa course avec sa rapidité ordinaire, il parut à ceux qui contemplèrent la scène qui suivit l’exclamation de Foi, que les émotions de plusieurs journées pénibles s’étaient réunies dans le court espace de quelques minutes. Nous ne nous appesantirons pas sur le moment affreux de cette horrible découverte.

Une demi-heure suffit pour instruire les nouveaux venus de ce qu’il leur était nécessaire de connaître. Nous continuerons notre narration depuis le moment où il ne leur resta plus rien à apprendre.

Le corps de Conanchet était toujours appuyé contre l’arbre. Ses yeux étaient ouverts ; et, bien que glacés par la mort, on voyait encore, au rapprochement des sourcils, à la compression des lèvres, aux gonflement des narines, cette fermeté hautaine qui l’avait soutenu dans les derniers moments de sa vie. Ses bras pendaient à ses côtés, mais une main était fermée comme si elle eût encore tenu le tomahawk qu’elle avait saisi si souvent ; l’autre avait perdu ses forces au moment où, dans un vain effort, elle avait cherché à sa ceinture la place où le couteau aurait dû être.

Ces deux mouvements avaient probablement été involontaires, car sous tout autre aspect la pose de Conanchet exprimait la dignité et le repos. Près de lui Nipsett, le guerrier imaginaire, conservait toujours sa place. On voyait sur ses traits le mécontentement et la menace à travers leur stupidité ordinaire.

Les autres personnes étaient rassemblées autour de la mère et de sa fille, qui semblait déjà frappée par la mort. On eût dit que tout autre sentiment cédait à l’effroi que causait sa situation. On avait en effet lieu de craindre qu’un coup si violent n’eût rompu subitement quelques-uns des liens mystérieux qui attachent l’âme à son enveloppe mortelle. Mais cette séparation terrible semblait