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COPIE d’une Lettre d’un Capitaine présentement au Cap François, venue par le navire le Cap-François, arrivée à Nantes, en trente-huit jours, le 15 novembre 1791, adressée à Paris, à M. W —.


Au Cap, le 27 septembre 1791.

J’AI l’honneur de vous annoncer mon arrivée du 18 du courant. Plût à Dieu que je fusse encore à Nantes, et savoir ce qui se passe ici ; je me vois à la veille de faire un voyage ruineux, sans pouvoir rien vendre, et sans apparence de fret. Les nègres sont révoltés depuis le 22 août dernier : ils ont brûlé une partie de la plaine du cap ; deux cents sucreries et beaucoup de caféteries sont incendiées ; pur-tout où ils trouvent les blancs, ils les massacrent ; plus de deux cents ont déjà reçu la mort. Nous avons trois petites armées en campagne. Une tient les défilés de Caracole, pour les empêcher de pénétrer plus avant, et de s’étendre sur le fort Dauphin et ses dépendances ; l’autre est proche l’Aretibonite, pour pareillement les empêcher de pénétrer de ce côté ; et la troisième, qui est la plus forte, les combat partout où elle les trouve : on en fait souvent une boucherie ; mais ils se recrutent facilement. On a entouré la ville d’une forte palissade. La plus grande partie des nègres, répandue dans son enceinte, sont renfermés dans l’église, et répartis sur les bâtimens de la rade, et on est à la veille de tous les égorger, si le salut du peuple et la loi suprême l’exigent. Il vaut mieux tuer des hommes sans frein, que de s’exposer à périr. Un embargo est mis sur tous les navires de l’Europe : sans cela je serois déjà parti, et j’aurois pris la route des isles du Vent. On n’a encore expédié qu’un navire pour