Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/134

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Et quand mes petits pieds étaient assez solides,
Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides,
Où, mêlés aux badauds descendus des faubourgs,
Nous suivions la retraite et les petits tambours.
Et puis enfin, à l’heure où la lune se lève,
Nous prenions, pour rentrer, la route la plus brève ;
On montait au cinquième étage, lentement ;
Et j’embrassais alors mes trois sœurs et maman,
Assises et cousant auprès d’une bougie.
— Eh bien, quand m’abandonne un instant l’énergie,
Quand m’accable par trop le spleen décourageant,
Je retourne, tout seul, à l’heure du couchant,
Dans ce quartier paisible où me menait mon père ;
Et du cher souvenir toujours le charme opère.
Je songe à ce qu’il fit, cet homme de devoir,
Ce pauvre fier et pur, à ce qu’il dut avoir
De résignation patiente et chrétienne
Pour gagner notre pain, tâche quotidienne,
Et se priver de tout, sans se plaindre jamais.
— Au chagrin qui me frappe alors je me soumets,
Et je sens remonter à mes lèvres surprises
Les prières qu’il m’a dans mon enfance apprises.
Je le revois, assez jeune encor, mais voûté
De mener des petits enfants à son côté ;
Et de nouveau je veux aimer, espérer, croire !…