Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/180

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Car ce voyageur sombre a hâte d’oublier,
De s’étourdir… Va donc, infernale machine !
— Enfin, voici là-bas les tuyaux d’une usine,
Des remparts, et plus loin, dans la brume ébauchés,
Des murs, des toits fumants, des dômes, des clochers.
Sous la halle aux arceaux de fer le train fait halte.
C’est Paris ! Olivier a sauté sur l’asphalte
Et, grisé de douleur, de fatigue et de bruit,
Il plonge dans la ville, au tomber de la nuit.
Là, sous le gaz blafard vainqueur du crépuscule,
De toutes parts, la foule effrayante circule.
C’est l’heure redoutable où tout ce peuple a faim.
Sur le seuil des traiteurs et des marchands de vin,
L’écaillère, en rubans joyeux, ouvre des huîtres ;
Et chez les charcutiers, sous leurs remparts de vitres,
Les poulardes du Mans gonflent leurs dos truffés.
L’odeur d’absinthe sort des portes des cafés.
C’est l’heure où les heureux trop rares de la vie
S’en vont jouir ; c’est l’heure où la misère envie !
L’homme qui rit se heurte à l’homme soucieux.
Le lourd omnibus passe en roulant ses gros yeux
Sur l’épais macadam qu’en jurant on traverse.
Tous se hâtent, courant dans la boue et l’averse,
Ceux-ci vers leur besoin, ceux-là vers leur plaisir.