Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Et quand il eut ainsi parlé d’une voix mâle,
Mahomet deux plongea sa main royale et pâle
Au sac de cuir que Djem à genoux lui tendit ;
Puis il en arracha brusquement et brandit,
Aux regards stupéfaits de la foule attroupée,
Une tête saignante et fraîchement coupée,
Celle de la sultane aux yeux couleur de ciel,
Que dans son sac immonde et pestilentiel
Venait d’apporter là, toute chaude, l’eunuque.

Tranchée atrocement de la gorge à la nuque,
Sous le désordre noir des longs cheveux sanglants
Où Mahomet crispait alors ses beaux doigts blancs,
La tête lamentable et presque encor vivante,
Les dents à nu, les yeux dilatés d’épouvante,
Oscillait dans la main ferme qui la tenait
Et sur le marbre pur lugubrement saignait ;
Et la foule un moment resta comme étouffée
Par l’horreur, en voyant ce monstrueux trophée
D’où dégouttait sans cesse un gros flocon vermeil.

Soudain, le vieux témoin des crimes, le soleil,
Qui se couchait alors dans sa majesté lente,
A son tour ruissela d’une pourpre sanglante.
D’un sinistre reflet de meurtre il éclaira