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Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/254

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Et revient tous les soirs, épuisé de fatigue.
Le zèle ne s’est pas un instant refroidi
De l’ancien précepteur des enfants de Gondi.
Quand il a visité la mansarde indigente,
Il s’en va demander l’aumône à la Régente.
Il sollicite, il prie, il insiste, emporté
Par son infatigable et forte charité,
Recevant de la gauche et donnant de la droite.
Pourtant il est malade et vieux ; et son pied boite,
Car, afin d’obtenir la grâce qu’il voulait,
Il a traîné six mois la chaîne et le boulet
D’un forçat innocent dont il a pris la place.
Déjà dans les faubourgs la pauvre populace,
Qui connaît bien son nom, et qui le voit passer
Le long des murs, alors qu’il vient de ramasser
Un nouveau-né jeté sur la borne et qu’il sauve,
Commence à saluer ce bonhomme au front chauve
Et le suit en chemin d’un œil reconnaissant.

Mais ce soir, vers minuit, le bon monsieur Vincent,
Regagnant son logis chez les Visitandines,
Au moment où les sœurs sont à chanter matines,
Traîne son pied boiteux d’un air découragé,
Tout le jour, bien qu’il soit souffrant, qu’il soit âgé,
Sous une froide pluie il a couru la ville.