Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/261

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Quel spectacle effrayant lui devait apparaître,
Elle se demanda tout bas avec terreur
Si sa pitié pourrait surmonter son horreur,
— Enfin elle était femme et manquait de courage, —
Quand le ciel s’obscurcit brusquement sous l’orage,
— Car on était alors au temps de la mousson ; —
Et le premier éclair lui donna le frisson.
L’esprit illuminé par un présage étrange,
La jeune fille alors courut au bord du Gange,
Et, tombant à genoux dans ces lieux découverts,
Calme, elle regarda fixement les éclairs.
Là, de sa lâcheté refusant de s’absoudre,
Dans un élan du cœur elle adjura la foudre
De châtier ses yeux qui, pendant un moment,
Avaient pu redouter l’aspect de son amant,
Et, pour que de bravoure elle fût mieux pourvue,
Elle pria l’éclair de lui ravir la vue.

Le feu du ciel lui fut clément : il l’aveugla.

Alors, se relevant à la hâte, Djola,
Malgré ses yeux voilés d’une nuit éternelle,
Sentit se réveiller son énergie en elle ;
Vers le pieux devoir qui là-bas l’appelait
Elle partit, au bruit du fleuve qui coulait.