Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Calme, il porte la main à son petit chapeau.
Dans cette steppe, au loin par la brume obscurcie,
Tout ce qu’ont de soldats l’Autriche et la Russie
Aujourd’hui va barrer la route au conquérant.
L’heure est grave. Effrayé presque d’être si grand,
Celui qui vient dans Ulm d’écraser l’Allemagne
Et qui, pour terminer d’un seul coup la campagne,
Veut une fois de plus, ce soir, être vainqueur,
Sent un léger frisson lui traverser le cœur.
— N’as-tu jamais aucun vertige, aigle qui planes ? —

Or, comme défilait au pas le corps de Lannes,
— On en était à la brigade Walhubert —
Le soleil, jusqu’alors de nuages couvert,
Éclaira tout à coup l’immense paysage ;
Et le grand fataliste y voyant un présage,
Et sentant que l’espoir en son cœur renaissait,
Sourit au général Walhubert qui passait.

L’obscur soldat partit, ivre de ce sourire.

La veille d’Austerlitz, on avait fait prescrire,
De peur de dégarnir les rangs, que les blessés,
Officiers ou soldats, ne fussent ramassés
Que le soir, une fois la bataille finie.