Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/288

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Et je me demandais : « Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Lorsque avec le frisson de la petite mort,
Je vois Black qui saisit le bordage et le mord,
En laissant sur le bois couler un flot de bave ;
Et je devinai tout !… Sur notre atroce épave,
Le chien, pas plus que moi, n’avait bu ni mangé !
Et voilà maintenant qu’il était enragé !
Oui, celui qui m’avait sauvé du grand naufrage,
Mon chien, mon matelot, mon frère, avait la rage !
Avez-vous bien compris ? Voyez-vous le tableau ?
Cette barque perdue entre le ciel et l’eau,
Et, dedans, cet enfant, seul devant cette bête,
Avec le grand soleil tropical sur la tête,
Blanc de peur et tapi dans un coin du bateau.

Je cherchai dans ma poche et j’ouvris mon couteau,
Car, machinalement, chacun défend sa vie.
Il était temps. Cédant à son horrible envie,
L’animal furieux sur moi s’était jeté.
D’un brusque mouvement du corps je l’évitai,
Je le pris par la nuque, et, le sentant se tordre
Et tâcher de tourner la tête pour me mordre,
Je pus le terrasser enfin sous mon genou ;
Puis, tandis qu’il roulait ses pauvres yeux de fou,
Et que sous moi ses flancs ronflaient comme une forge,