Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t3, 1888.djvu/249

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Qui rentrais à la hâte et voulais rester sage ;
Et dire que jamais, alors, nos yeux n’ont lui,
Moi, m’écriant : « C’est elle ! » et toi, disant : « C’est lui !… »

Telle est la vie. On marche, on va, — quelle injustice ! —
Sans qu’un seul battement de cœur vous avertisse
Du bonheur qu’on coudoie et qu’on laisse passer.
Mais le hasard n’a pas voulu nous fiancer,
Et nous avons tous deux, dans l’exil, dans l’absence,
Perdu, moi, ma jeunesse, et toi, ton innocence.
Lorsque enfin sur mon sein ton front s’est reposé,
Le sort t’avait meurtrie et j’étais bien blasé,
Et je t’ouvris mes bras, ô ma simple maîtresse,
Comme un port en ruine à la barque en détresse !
Ah ! certes, notre amour automnal nous est cher.
Tout ce que notre vie a d’impur et d’amer.
Nous l’oublions. La paix heureuse est dans notre âme.
Jamais tu ne sauras assez, ô chère femme,
Qui parfumes mon cœur d’un dernier sentiment,
Combien je me sens bon, combien tendre et clément,
Quand je t’ai près de moi, douce, triste et jolie !
Mais il est, vois-tu bien, plein de mélancolie,
Le souvenir, qu’en vain je cherche à réprimer,
De ces printemps perdus à ne pas nous aimer.