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LES PAROLES SINCÈRES.


Je voudrais vous y voir ! Vivre sur sa machine,
Le visage à la flamme et le froid dans l’échine ;
Se faire, par des temps de chien, la nuit, l’hiver,
Secouer les boyaux sur le plancher de fer :
À la longue, cela vous donne une coquine
De soif !… On boit son litre au lieu de sa chopine ;
Puis, comme l’ouvrier n’a que de mauvais vin,
Il en arrive à l’eau-de-vie, et c’est la fin.
Te voilà pour toujours ivrogne, mon bonhomme !

Donc, Marc Lefort buvait. Mais il était, en somme,
Un de ces gaillards tels qu’on n’en voit pas beaucoup.
Même, lorsque, la veille, il avait bu son coup,
Il arrivait toujours d’aplomb pour le service.
On eût fermé les yeux volontiers sur son vice,
Pas si grave, après tout, et dont le peuple rit ;
Mais ses chefs le tenaient pour un mauvais esprit.
« La Compagnie ? Encore une sale boutique ! »
Disait-il. On savait qu’il parlait politique,
Suivait les clubs, lisait les feuilles, pérorait.
Bref, si l’on n’avait pas gardé quelque intérêt
Pour son passé, sans doute on l’eût mis à la porte.

Tout le malheur, c’était que sa femme fût morte.
Pauvre diable ! Jadis, lorsque Marc, s’enflammant,