Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/35

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troublé. Pour la première fois de sa vie, une femme s’était abandonnée sur sa poitrine.

Ils allaient tous les trois à travers le fourmillement populaire, tantôt arrêtés par un groupe où toute une famille en larmes embrassait un voltigeur, tantôt bousculés par un zouave sortant du café et qui courait après sa compagnie, en faisant sonner sa mamelle et son bidon.

Quand ils eurent atteint un endroit moins encombré, sur le boulevard Magenta, Gabriel sentit la jeune femme dégager son bras. Cette séparation lui causa un étrange malaise.

« Maintenant, monsieur, il me reste à vous remercier, lui dit-elle, à vous remercier beaucoup. »

Sa voix était douce, un peu sourde, peut-être à cause de l’effroi qu’elle venait d’éprouver. Elle était immobile devant Gabriel, qui la regarda. C’était une petite femme de vingt ans, fine et bien faite. Elle portait un costume complet en étoffe gris clair et un chapeau assez coquet, avec une plume de faisan. Sous la voilette, qui ne laissait bien voir qu’une bouche ronde et pure et un joli menton, un peu gras, ses yeux brillaient, levés vers Gabriel. Ils lui parurent très grands et très éclatants, dans la demi-obscurité où l’on se trouvait.