Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/37

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femmes inconnues ; son cœur battait avec force. Il écoutait craquer les bottines sur l’asphalte du trottoir. Le vent de la nuit venait de se lever, un peu frais, et agitait doucement les jupes et les mantelets des deux femmes.

« Voyez-vous, reprit Mme Henry avec ce ton familier et un peu commun qui étonnait fort Gabriel, il ne faut pas croire que mon amie soit ingrate pour ce que vous avez fait tout à l’heure. Mais elle est un peu farouche, ma petite Eugénie. Songez donc ! elle n’est à Paris que depuis un an, et son mari ne la sort guère. Elle n’a pas encore les habitudes de la société… »

Gabriel s’aperçut alors qu’Eugénie tirait son amie par la manche pour la faire taire, et Mme Henry, qui paraissait ignorer l’art des transitions, demanda brusquement à Gabriel, sans lui laisser le temps de répondre :

« Quel âge avez-vous donc ? Vous devez être tout jeune : vingt ans, vingt et un ans, n’est-ce pas ? Comme c’est beau d’avoir vingt ans ! Pourquoi n’avez-vous pas de barbe ? Est-ce que vous êtes artiste ? Mais non, les acteurs portent les cheveux plus longs. Laissez-moi deviner… Vous n’êtes pas dans la nouveauté non plus, vous avez l’air trop