Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/57

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croisées, dans lequel flottaient quelques légers nuages de cuivre, dernier souvenir du soleil qui venait de disparaître. Quand Mme  Henry lui donna le Petit Journal en le priant d’en faire la lecture, Gabriel crut d’abord qu’il ne pourrait jamais en venir à bout. Il lui semblait que les lignes d’impression ondulaient comme des serpents et que les caractères changeaient continuellement de couleur. Il put lire cependant, mais il ne comprenait que vaguement les mots qu’il prononçait. Il avait l’idée confuse qu’il s’agissait de la biographie d’un maréchal de France, chargé d’un commandement à l’armée du Rhin, et d’un trait d’intrépidité accompli jadis par cet officier, quand il n’était encore que commandant en Afrique, à je ne sais quel assaut où il monta, la canne à la main et le cigare à la bouche.

La nuit tombait peu à peu, et l’ombre commençait à envahir la chambre. Mme  Henry se leva pour allumer une lampe.

Alors seulement, poussés par un instinct supérieur à leur volonté, Gabriel et Eugénie se regardèrent.

Le choc dura une seconde, une seule, et la jeune femme baissa de nouveau et subitement la tête sur