Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de fouets et des ordres criés par les chefs d’équipe, et montrant çà et là, dans l’herbe de leurs talus, le bronze étincelant des grosses pièces de siège. Pris de la fièvre militaire, les citoyens allaient apprendre l’exercice dans les cours des casernes, où on les voyait alignés en pelotons et faisant sonner les crosses sur le pavé. Des portes des mairies, où la foule stationnait, lisant les placards humides, sortaient des bourgeois portant sur l’épaule un fusil, la baïonnette renversée. Par les faubourgs, les habitants de la banlieue, déjà ramenés par la peur de l’invasion, arrivaient avec leur pauvre mobilier sur une charrette à bras, l’homme dans le brancard, la femme poussant derrière, les enfants chargés de paquets ; et, dernier symptôme du prochain blocus, de nombreux troupeaux de bœufs maigres et harassés et de moutons gris de poussière s’entassaient dans les parcs, construits à la hâte, au milieu des jardins publics et le long des boulevards suburbains.

Mais le Parisien qui prenait le moins de part à cette furieuse exaltation, à ces cruelles anxiétés, à ces folles espérances, était certainement Gabriel.

Il était retourné chez Mme Henry ; il y avait revu