fraîche, tournant sans cesse vers son mari de
tendres et intelligents regards de chien fidèle, —
la maman apportait le panier à ouvrage. Les trois
sœurs, nées à un an de distance, se ressemblant,
chastement jolies, avec les robes taillées dans la
même pièce d’étoffe et les honnêtes bandeaux
plats des filles sans dot qui ne se marieront pas,
commençaient à ourler des mouchoirs ; et lui, le
gamin, le dernier-né, le Benjamin, exhaussé sur
sa chaise haute par une Bible de Royaumont inquarto,
édifiait un château de cartes.
En Juillet, dans les longs jours, on allumait la
lampe le plus tard possible, et, par la fenêtre
ouverte, on voyait un ciel orageux de soir d’été,
aux nuages bouleversés, et le dôme des Invalides,
tout écaillé d’or, dans la fournaise du couchant.
Comme c’est très mauvais pour la digestion
d’écrire comme ça tout de suite après diner, on
faisait un peu causer le père, afin de retarder le
moment où il se mettrait à son travail du soir :
des copies de mémoires, à six sous le rôle, pour un
entrepreneur du quartier. Le pauvre homme, une
nature de rêveur, un esprit littéraire, qui jadis,
dans sa chambre d’étudiant, avait rimé des odes
philhellènes, en était arrivé là, ayant perdu l’espoir
Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/16
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.