Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/24

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une mauvaise pierre dans son sac, comme on dit.
Ce matin, lorsqu’il s’est réveillé, la bouche amère, et qu’il a lu le billet de faire-part, il n’a pas voulu, tout d’abord, aller à cet enterrement. Saluer le cercueil d’un homme qu’il méprisait ! A quoi bon cette hypocrisie ? C’était un « confrère » , sans doute, - quel mot absurde ! — mais un drôle, une plume vénale. Pourtant, il n’avait pas eu à se plaindre de ce malheureux. Au contraire. Sans intérêt personnel, par simple goût, ce journaliste lui avait toujours montré une sympathie dont il rougissait, l’avait loué avec tact et même chaudement défendu dans de mauvais jours. On était, sinon des amis, du moins des camarades ; on se serrait la main quand on se rencontrait, par hasard, dans la rue, aux « premières ». Allons ! il suivrait le convoi ; il devait au mort cette politesse.
Et, par ce sale et pluvieux matin de Novembre, il s’était rasé et habillé de bonne heure, il avait déjeuné à la hâte, — les œufs n’étaient pas frais, pouah ! — il avait pris un fiacre qui sentait le chien mouillé, et il était arrivé en retard à l’église, quand le service funèbre était presque terminé.
— « Portez... armes ! Présentez... armes ! »
Et le tambour voilé battait aux champs.