Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/25

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Des soldats ?... Ah ! oui, c'est vrai, il y a une croix d’honneur sur le catafalque. Celui qu’on enterrait l’avait autrefois ramassée dans la boue d’une intrigue politique, où des filles se trouvaient mêlées. Et le poète, en s’inclinant pour l’Élévation, se sent tout honteux de son ruban rouge.
Mais, puisqu’il est venu, il ira jusqu’au bout. On vient de donner l’absoute. Il prend la file, jette l’eau bénite, remonte dans son fiacre ; et le cortège se met en route vers les faubourgs, sous la pluie fine et froide. Puis, au cimetière, c’est l’éternelle et lugubre comédie : les gens qui, tout le long du chemin, ont ri d’un scandale arrivé la veille, et qui se composent un visage digne ou chagrin en se rangeant autour de la fosse béante ; l’orateur ridicule qui ment comme un dentiste, en parlant du mort, dans l’espoir de quelque réclame ; et, dans un coin, témoignage de la belle existence du défunt, sa maîtresse, une catin hors d’âge, dont le deuil semble un déguisement et dont les larmes font couler le maquillage.
Il en a assez, l’homme nerveux. Il prévoit qu’à la sortie il faudra encore distribuer des poignées de main déshonorantes. Il s’esquive avant la fin, et se dérobant derrière un magnifique monument-