Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/298

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Elle n’a qu’à dire un mot, « restez », et, dans un an, elle sera la femme d’un homme qu’elle estime, qui la consolera de toutes les misères du passé, qui sera paternel pour son cher Armand. Elle pourra connaître le bonheur, aimer, vivre !...

Mais la porte s’ouvre brusquement, une fraîche voix d’enfant crie : « Bonjour, mère ! » Mme Bernard tressaille. C’est son fils qui revient du collège, et qui, ayant jeté ses livres sur la table, lui saute joyeusement au cou.

— Bonjour, mon enfant, dit le colonel, voulez-vous me donner une poignée de main ?

Armand connaît à peine ce visiteur à l’air grave. Il est de nature un peu sauvage. Cependant, il touche la main qui lui est offerte, mais par obéissance polie, et dans ses grands yeux noirs passe un regard d’inquiétude, presque de soupçon. Mme Bernard a observé son fils. Elle voit combien cet homme et cet enfant sont étrangers l’un à l’autre, et, profondément remuée par l’admirable, par le tout puissant instinct maternel, elle rougit, elle sent à ses oreilles une chaleur de honte. A quoi pensait-elle donc tout à l’heure, grand Dieu ?