Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’était ainsi depuis quelques mois, quand Mme Bernard reçut une lettre d’une orthographe incertaine et d’une écriture maladroite, par laquelle Henriette prenait congé d’elle, la remerciait de ses bontés et lui annonçait qu’elle avait trouvé un emploi régulier chez une couturière en vogue.

— Cette petite aurait bien pu venir m’annoncer cela elle-même, se dit Mme Bernard, un peu choquée. Il me semble que j’ai été assez bonne pour elle... Après tout, le temps de ces gens-là est précieux. C’est leur gagne-pain. Tant mieux si elle a trouvé une bonne place.

Et elle n’y pensa plus.

Mais, quelques jours plus tard, étant entrée dans la chambre de son fils pour renouveler les fleurs des jardinières, elle vit une lettre tombée sur le tapis, la ramassa pour la poser sur le bureau, jeta machinalement un regard sur l’enveloppe, y lut le nom d’Armand Bernard et reconnut avec stupéfaction la calligraphie enfantine de l’ouvrière. Un soupçon soudain lui glaça le cœur. Avait-elle ou non le droit de lire cette lettre ? Elle ne s’arrêta pas même trois secondes devant ce scrupule. Il s’agissait de son fils, pour qui elle eût commis un parjure, un