Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/306

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ne vaut rien, l’office et la société des domestiques. Elle mange très proprement, sans laisser tomber une miette de pain. Alors, des fois, nous faisons un bout de causette. Elle a bien du mal, allez ! madame. Figurez-vous que, sans elle, sa tante serait, à l’heure qu’il est, avec les vieilles priseuses qu’on voit se chauffer au soleil, sur les bancs, devant la Salpêtrière. Si jeune, si courageuse, et des charges de famille ! Si ça ne fait pas pitié !

Mme Bernard reconnut bientôt par elle-même que la jeune ouvrière méritait réellement tout ces éloges, trouva toujours en elle un petit être doux, timide, laborieux, touchant, et, pour lui marquer son intérêt, lui assura trois journées de travail par semaine. Elle prit l’habitude, quand elle traversait le petit salon, de voir, près de la fenêtre, cette gentille tête blonde penchée sur son ouvrage, et elle s’arrêtait souvent pour adresser à Henriette quelques paroles encourageantes. Il y avait même apparemment un charme qui émanait de cette enfant, car lorsque Mme Bernard ne la voyait pas à sa place accoutumée, elle songeait, avec une nuance de regret :

— Tiens ! ce n’est pas son jour.