Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/312

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le petit salon, s’était intéressé à ce gentil profil, qui s’inclinait légèrement pour le saluer. Mais il n’avait pas vu, l’innocent qu’il était, le regard vite détourné, mais si tendre, qu’on lui jetait au passage, ni la rougeur qui montait alors au visage de l’ouvrière. Quant à elle, la première fois qu’elle avait aperçu Armand,— oh ! du premier choc, sans se défendre,— elle était tombée amoureuse de lui, et ce beau et fin jeune homme, aux gestes harmonieux, aux yeux si ardents et si doux, lui était apparu comme un être d’une essence supérieure. Henriette était sage, non pas ignorante. Dès l’apprentissage, les conversations entre camarades l’avaient instruite. Mais jamais son désir n’eût été assez audacieux pour s’élever jusqu’à l’objet de son naissant amour.

A ses yeux, Armand était un « riche », un de ceux que les pauvres ne peuvent connaître, ne voient que de loin. Elle était sûre qu’il avait une « bonne amie », car on ne suppose pas, au faubourg, qu’un homme puisse demeurer pur jusqu’à vingt ans ;— mais celle qu’il aimait devait être une femme de son monde, une « belle dame », et, sans la connaître, mais ne doutant