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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/313

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pas de son existence, Henriette la trouvait bien heureuse et lui enviait la joie de passer ses doigts chargés de bagues dans la noire et rebelle chevelure, toujours un peu en désordre, du jeune patricien. Elle, la pauvre fille ! devait se contenter de l’admirer à distance, respectueusement. Quand il lui disait en passant : « Bonjour, mademoiselle », c’était quelque chose d’exquis qu’Henriette sentait se fondre dans son cœur. Mais s’imaginer qu’elle pût fixer l’attention d’Armand, lui paraître jolie !... Non ! elle n’était pas si folle.

Il la trouvait délicieuse. Il était entraîné vers elle par toutes ses curiosités, toutes ses ardeurs d’ingénu en qui venait d’éclater et de s’épanouir avec violence la fleur intacte du désir. Sans doute, il était resté chaste, n’ayant connu ni les turpitudes des dortoirs de collège, ni les brutales initiations de la Cythère vénale. Mais l’heure de la crise avait sonné. A la seule pensée que cette charmante fille était là, sous le même toit que lui, Armand succombait sous le poids d’une soudaine langueur, devenait incapable de tout travail. Laissant brusquement ses livres ouverts, il trouvait hypocritement pour lui-même un