Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il lui demanda, d’une voix un peu frémissante, d’où elle venait ainsi.

Elle lui répondit avec un égal embarras, parlant pour parler, très vite.

Elle sortait de cet hôpital, où elle était allée porter quelques douceurs à sa tante, malade depuis quinze jours. Mais ce ne serait rien. La bonne femme allait déjà mieux et devait être envoyée bientôt à l’asile des convalescents. Henriette s’en réjouissait, car c’était bien triste pour elle de trouver tous les soirs, comme elle disait, « la maison seule ».

Ils ne pensaient, ni l’un ni l’autre, à leurs paroles. Ils se regardaient au fond des yeux, émus à en trembler. Cette rencontre, cet entretien, leur paraissaient à tous deux un événement extraordinaire. Parler ainsi, en pleine rue, à cette jeune fille, qu’après tout il connaissait à peine, était pour Armand l’action la plus téméraire de sa vie ; et quant à la grisette amoureuse, elle était éperdue comme une bergère de conte féerique à qui le fils du roi vient, en grand équipage, demander sa main.

Sans s’en apercevoir, les deux jeunes gens s’étaient mis à marcher côte à côte. Armand, la