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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/393

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Dans son boudoir, où pénètrent par la fenêtre ouverte l’air pur et la grande lumière, Mme Bernard des Vignes— oui ! elle-même— subit l’influence enivrante de la belle journée.

C’est après-demain qu’elle se remariera, c’est après-demain qu’elle quittera son deuil ; et, sur le divan, dans un carton ouvert, voici le chapeau qu’elle mettra pour la cérémonie. Tout à l’heure, la modiste le lui présentait, posé sur le poing, en disant de sa voix aimable de marchande :

— Vous, voyez, madame. C’est tout à fait ce que vous désiriez... Quelque chose de sérieux... Rien que cette petite branche de lilas.

Et en essayant le chapeau devant sa psyché, Mme Bernard a trouvé qu’il était d’un goût charmant, qu’il lui allait dans la perfection,— et elle a souri.

Oui ! elle a souri. Car elle a réappris à sourire. On l’aime ; elle est redevenue femme, elle veut plaire. Le jour où, seule avec M. de Voris qui la suppliait, elle-lui a jeté un regard de consentement, Mme Bernard a vu l’héroïque soldat des campagnes sous Metz et du Tonkin tomber à ses genoux, muet et brisé de bonheur, et pleurer sur ses mains comme un enfant. Aimer encore ? Le