Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t1, 1892.djvu/18

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Toujours les belles nuits & le tranquille été ! Vraiment, le ciel m’en veut & s’est mis du côté Des poètes & des donneurs de sérénades. Il leur offre à loisir les comparaisons fades, Et mon nom va rimer, à la fin des sonnets, Avec toutes les fleurs où je me reconnais. Et cependant je suis l’idole, & l’on envie Tous ces flatteurs courbés que traîne la Silvie Dans le sillon que laisse en passant son dédain. L’aventurier toscan, alourdi de butin, Vient jeter à mes pieds les anneaux & les chaînes. L’orgueilleux podestat & l’argentier de Gênes Luttent à qui pourra troubler mes yeux sereins En ouvrant devant eux la splendeur des écrins. Mais nul ne m’a causé même de la surprise. Ah ! c’est que je les hais comme je les méprise, Tous ces hommes au cœur aisément contenté, Dont le désir me veut moins que la vanité. Je souffre. Vivre ainsi, sans amour, est-ce vivre ? Je n’ai rien, ni la fleur qui sèche dans un livre, Ni les cheveux gardés, ni le mot si touchant Auquel, tous les minuits, on pense en se couchant. Ma vie est sans plaisirs comme elle est sans alarmes, Hélas ! & j’ai perdu jusqu’au secret des larmes. Oh ! comme je suis triste !