Aller au contenu

Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oui, ce sont eux, vous dis-je, ou du moins leurs semblables.
Ce que mon frère a fait pour tous ces misérables,
C’est inouï… Tenez ! voyez !

Elle ouvre brusquement une armoire et y prend une soutane et un chapeau rond.
C’est inouï… Tenez ! voyez ! Je garde ici

Une soutane usée, un chapeau tout roussi.
J’avais dit à mon frère : « Allons ! tu me fais honte.
Tes habits sont trop vieux, il faut que je remonte
Ta toilette. L’argent est là, dans mon tiroir. »
Mais il me répondit : « Rose, je viens de voir
Nos voisins, les Duval. Tu sais, ils sont cinq bouches
À nourrir… Pauvres gens !… Et la femme est en couches.
Hier, pour les saisir, les huissiers sont venus.
Cela ne convient pas, quand les pauvres sont nus,
Qu’en des vêtements neufs le prêtre se pavane.
Reborde ce chapeau, recouds cette soutane ;
Mes vieux habits feront encore une saison… »

Elle jette le chapeau et la soutane sur une chaise.
Et, quatre jours après, il était en prison,

Pris comme otage, et nul n’a rien fait pour défendre
Ce bienfaiteur, pour tous si prodigue et si tendre.
Ses plus chers mendiants, ses pauvres préférés
Gagnaient leurs trente sous parmi les fédérés ;