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Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/167

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Et le jour du massacre ils étaient là peut-être…
Ah ! vous osez blâmer ma fureur ?… Assez, prêtre !
De votre douce voix quand vous me promettiez
Que l’âme de mon frère était là, vous mentiez,
Vous berciez ma douleur avec cette musique.
Mais me voici rendue à mon instinct physique
Par les coups de fusil qu’on tire sur ces gueux.
Ils ont tué mon frère ! On me venge. Tant mieux !

LE CURÉ.

Je devrais, par respect pour l’habit que je porte,
Franchir, et pour toujours, le seuil de cette porte
Et ne me laisser pas davantage outrager.
Mais à celle qui parle ainsi de se venger,
Mon devoir est de dire un dernier mot sévère.
Le Dieu qui pour le monde est mort sur le Calvaire,
Le Dieu dont votre frère, humble, devant l’autel,
Célébrait chaque jour l’holocauste immortel,
Et qu’insulte à présent votre lâche démence,
Est un Dieu de bonté, de pardon, de clémence.
Votre frère, au moment de mourir, — je le crois,
J’en suis sûr, — ne pensait qu’à Jésus sur la croix.
Ce n’est pas près du port qu’un tel chrétien échoue ;
Et, puisant dans sa foi, sous les fusils en joue,