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Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/49

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qui pirouettait et se trémoussait sans avoir quitté son bicorne à cocarde et son habit de drap gris-bleu, orné d’une plaque d’argent. Je dois à la vérité de dire que, dans les exercices chorégraphiques, il ne gardait pas son lourd portefeuille et que ce brave homme — plus probe, peut-être, que le financier, son patron — ne faisait pas danser les écus d’autrui.

Je bavarderais jusqu’à demain, si je notais ici tous mes souvenirs de la Korrigane. J’ai constaté là, une fois de plus, ce qu’il y a souvent d’un peu puéril dans le caractère des gens de théâtre. Je vois encore, par exemple, la grande désolation de ces demoiselles du corps de ballet, la première fois qu’on répéta en costumes. Habituées à représenter des fleurs, des papillons, des étoiles, elles ne pouvaient se résoudre à garder sur la tête les coiffes, si jolies et si variées pourtant, de la presqu’île armoricaine. « Nous aurons l’air de bonnes », disaient-elles avec indignation. Quelques-unes même en pleuraient.

Ces larmes furent séchées par l’heureux résultat de la « première ». Grâce à la charmante partition de Widor, au goût parfait de Vaucorbeil, à l’artistique ingéniosité de Mérante, et surtout au victorieux talent de Mlle Mauri, le succès fut triomphal ; et, ce soir, la Korrigane, qui n’a guère quitté l’affiche, obtiendra les honneurs de la centième représentation, rare fortune pour un ballet.