Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/26

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l’abstraction ou sous le voile de l’allégorie ? Sans doute, la plupart des poètes modernes ne nous ont pas habitués à tant de réserve ; ils ont un besoin, un abandon de confidence, parfois bien indiscret, mais dont, moins que tout autre, j’aurais le droit de leur faire un crime, ayant moi-même à confesser quelques fautes vénielles sur ce point. N’est-ce pas un motif de plus pour que je respecte, pour que j’admire le chaste silence de M. de Laprade, qui lui était imposé par le plus délicat des sentiments, par la pudeur ?

Tant d’ouvrages d’une inspiration si haute et si pure, d’une forme si parfaite, avaient désigné M. de Laprade à l’attention, aux récompenses de l’Académie Française. Parlant à M. de Laprade de ces lauréats qui deviennent des candidats, puis des élus, M. Vitet a comparé spirituellement l’Académie à une mère de famille prévoyante qui songe d’avance aux alliances possibles. On peut donc dire que, depuis longtemps, M. de Laprade était pour l’Académie plus qu’un prétendant, mais une sorte de fiancé. Il augmentait ses titres à votre suprême faveur par ses remarquables leçons à la Faculté des lettres de Lyon, où l’avait appelé, dès 1847, la bienveillance de M. de Salvandy et où il commentait, en poète et en philosophe, les chefs-d’œuvre de notre littérature nationale. Admis, encore jeune, à l’honneur de siéger parmi vous, goûtant la douceur d’une heureuse union et voyant grandir autour de lui une belle et nombreuse famille, aimant cette noble profession de l’Enseignement supérieur, qui laissait assez de loisir au rêveur, assez de vacances au montagnard, sans richesses mais sans besoins, satisfait de sa renommée parmi les lecteurs choisis,