Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/27

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renommée que n’avait même pas souhaitée cet artiste vraiment désintéressé, M. de Laprade vécut alors des jours calmes et prospères, que le travail et les joies du foyer suffisaient à remplir. Ce ciel était trop pur ; un orage, un orage politique, y éclata.

Profondément attaché à ses convictions monarchiques et religieuses, M. de Laprade n’avait pas été sans partager les espérances, les illusions, pour mieux dire, qui naquirent dans beaucoup d’esprits à la suite de l’inexplicable révolution de Février, et il fut de ceux qu’assombrit le coup d’Etat du 2 décembre. Néanmoins, il ne manifesta pas tout d’abord son antipathie contre le nouveau régime, estimant sans doute, et avec raison, que le poète est libre de ne se point jeter dans les tumultes. Mais, vers 1860, quand les conséquences de la guerre d’Italie inquiétèrent les catholiques, il publia, sur les choses du temps, quelques satires, plutôt morales que politiques, dont l’une, intitulée les Muses d’État, fit destituer son auteur. L’émotion fut grande, la fonction de professeur de Faculté ayant été considérée jusque-là comme à peu près inamovible.

Permettez-moi de ne pas m’étendre sur les satires de M. de Laprade. Ce n’est pas qu’on n’y puisse rencontrer beaucoup de bon, et même de l’excellent ; on y remarque surtout une puissance d’ironie, une verve mordante qu’on ne soupçonnerait pas chez l’auteur de Psyché, et cette main, habituée à toucher la lyre virgilienne, a su faire vibrer les cordes d’airain de Juvénal. Mais ces satires datent de loin, et n’offrent plus qu’un intérêt rétrospectif. N’est-ce pas là d’ailleurs le sort ordinaire des vers politiques et ne sont-ils pas comparables