Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/32

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nationale. Aucune main plus pure ne signa la paix douloureuse, et le patriote resta à son poste jusqu’à la fin du danger. Mais son état maladif s’aggravait chaque jour et, de plus, il avait été pris tout de suite d’une singulière répugnance pour la vie parlementaire, Au milieu de cette agitation, de ces intrigues, il regrettait ses templa serena, le calme de la famille, le recueillement du travail, les méditations en pleine nature. Dès 1873, il donna sa démission ; quelques ambitieux, toujours occupés à compter les voix d’un parti, s’en plaignirent ; et cependant rien n’était plus légitime que cet acte d’un homme de pensée et d’étude reconquérant sa liberté, et il aurait pu répondre à ceux qui le blâmaient que le meilleur moyen offert au poète de prouver qu’il est un bon citoyen, c’est encore d’enrichir de quelques belles œuvres le trésor littéraire de son pays.

Rentré dans sa studieuse retraite, M. de Laprade se remit à l’œuvre, et, dans les rares heures où il n’était pas obsédé par la maladie, il composa celui de ses livres où se manifestent le plus directement ses sentiments intimes, cette suite de courts et charmants chefs-d’œuvre qui forment le Livre d’un Père. Qu’elles sont nobles et touchantes, dans leur simplicité d’expression, les paroles que prononce le vieillard devant ses enfants groupés autour de son fauteuil, devant ces fronts inégaux où il dépose de si mâles conseils et sur lesquels il appuie de si tendres baisers ! « Soyez des hommes ! » leur dit-il ; car il songe que, nés dans une époque troublée, ils sont destinés à la lutte ; car il se reproche presque d’avoir lui-même négligé l’action pour le rêve : « Soyez des hommes ! »