Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de Faculté à Lyon, il fut dispensé de la condition de résidence à Paris, privilège qui n’avait été accordé jusqu’alors à aucun académicien laïque. On le traita ce jour-là en évêque.

Vous avez payé votre tribut et à l’homme et au poète. M. de Laprade attachait encore plus de prix au respect qu’à l’admiration ; il a su conquérir l’un et l’autre. Le milieu où il était né, les influences dont s’est ressentie sa première jeunesse, la contagion des saints exemples, lui avaient rendu facile le métier d’honnête homme, qui est pourtant le plus difficile de tous. Il avait appris de sa mère les douces résignations, le bonheur modeste qui se passe de beaucoup de choses, la médiocrité des désirs, qui est la seule médiocrité désirable. Son père lui avait enseigné l’art de se tenir debout, et c’est encore un art difficile à pratiquer. La fierté de son esprit ne fut jamais à la merci ni des événements ni des puissants de la terre, et quand tout semblait condamner ses opinions comme ses espérances, il leur demeura fidèle jusqu’à la fin. Il l’a dit lui-même : « J’étais né fidèle à jamais. » Une opinion est bien peu de chose, c’est une grande chose que la fidélité, et à quelques partis que nous attellent les hasards de la vie, on est sûr de l’honorer en ayant du caractère. C’est parmi les hommes qui en ont que se recrute ici-bas le paradis des honnêtes gens. Quelle que soit la couleur de leur cocarde, on en voit arriver des points les plus opposés de l’horizon, et, s’aimant peu, ils sont fort surpris de se rencontrer. Ils se disent l’un à l’autre : « Tiens, vous en êtes ! je ne l’aurais jamais cru. »

Si M. de Laprade fut toujours constant dans ses affections politiques, je n’oserais pas affirmer comme vous