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des églises du désert.

Au lieu de ce changement fécond, il y eut une lutte sanglante de plus d’un demi-siècle, où la nationalité faillit périr sous une ligue que Rome et les étrangers soudoyaient ; l’héroïsme des martyrs et la bravoure de la noblesse huguenote sauvèrent notre patrie de l’inquisition espagnole et des procédés d’une politique italienne dont la Saint-Barthélemy fut l’application. Ce fut la première époque, époque de lutte et de combats acharnés, où le seul principe de la réformation triompha en France. Ce principe reçut bientôt une déplorable atteinte par l’abjuration de Henri IV, abjuration qui ajourna de deux cents ans nos réformes politiques.

Dans le cours de la seconde époque, tandis que le protestantisme des communes d’Angleterre produisait des fruits si réels pour le progrès et pour la liberté britanniques, Richelieu et Mazarin détruisirent l’aristocratie française. Ils ruinèrent l’organisation évidemment imprudente et prématurée de la fédération calviniste, démocratique et représentative. Sous les remparts de La Rochelle furent ensevelies les espé-

    une longue révolution des temps. » (Voy. Lettr. du cardinal de Sainte-Croix, dans Aymon. Synodes, vol. i, p. 21-218-283.) Au premier siècle de la réforme française, on trouve déjà dans la Franco-Gallia du jurisconsulte, zélé calviniste, François Hotman, une théorie complète, aussi logique que savante, des droits des états généraux et de la souveraineté nationale (voyez la trad. franç. de Simon Goulard, dans les Mém. de l’estat de France, ii, 577). Plus tard, on voit dans le livre très-remarquable de Jurieu, Les soupirs de la France esclave qui aspire après la liberté, Amsterdam, 1689, précisément un siècle avant notre grande révolution, la critique la plus complète et la plus sensée de tous les abus de la monarchie absolue, sous les points de vue de l’Église, des parlements, de la noblesse, de l’armée, du peuple, des finances, de la politique intérieure et extérieure. Si la France eût pu alors comprendre ces esprits d’élite, la charte de nos libertés serait aujourd’hui âgée de plusieurs siècles et toute l’Europe eut accompli des progrès incalculables.