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des églises du désert.

eussent voulu y assister, s’il s’y fut passé des choses contraires au service de l’État, et qu’ils eussent voulu se mettre par là dans le risque de se priver de tous ces avantages »[1]. Tels étaient les arguments non seulement péremptoires en droit naturel et religieux, mais également sans réplique en bonne police administrative, à l’aide desquels les églises du désert défendaient leurs réunions.

Quelles étaient les objections que faisaient les intendants et la cour, et qui vont nous expliquer à peu près la couleur de la jurisprudence qu’ils appliquaient ? Il n’est point facile de les saisir d’une manière complète. Elles roulent presque toutes sur cette assertion, que le moment que les religionnaires

  1. Apologie des protestants du royaume de France sur leurs assemblées religieuses, p. 56, excellente et politique défense, qui fut très-probablement encore de la plume du pasteur Ant. Court. (Voyez le Livre d’Arm. de la Chapelle, déjà cité, tome II.) Les raisons exposées dans cet ouvrage ont une couleur toute locale ; elles laissent voir combien l’habitude de l’assemblée religieuse en plein air était profondément enracinée dans les mœurs des réformés du Languedoc. Encore aujourd’hui, sur plusieurs points, le culte est célébré en plein air ; et l’édification ni le bon ordre n’en souffrent. Pour ne citer qu’un exemple, il y a fort peu d’années, dans la riche consistoriale de Saint-Ambroix (Gard), où les protestants ont bâti, de leurs propres deniers, un temple presque somptueux à Saint-Jean-de-Marvejols, on pratiquait encore sur plusieurs points le vrai culte du désert. Sans craindre cette fois les surprises des détachements et les galères, on allait à l’église, sous le ciel, quand il faisait doux ; sous de gros arbres, quand le soleil dardait. On avait un chantre, un lecteur, une chaire ambulante, des pliants pour s’asseoir. Ces usages religieux sont empreints dans le dialecte du Languedoc. L’église, la réunion des fidèles pour le culte, se dit, la societat, l’assemblada, ou l’assemblado. De même, selon les idées des habitants, la gleisa (l’église), lou capelan (le prêtre) sont des mots catholiques, tandis que, lou templé, lou ministré, on lou pastur, sont des expressions protestantes. Il est vrai que dans l’antique catéchisme des Vaudois, de l’an 1100, mss. des bib. de Genève et de Cambridge, l’expression romane, la gliesa du Krist, est prise dans le sens de la véritable église ; mais ce terme indique la pureté de la foi dans ces vallées solitaires, qui n’ont jamais eu besoin de la réforme de Luther ni d’aucune autre.