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des églises du désert.

Malesherbes. En contemplant la série des édits que nous étudions, qui sont presque tous de la plume de Pontchartrain, on se figure difficilement la haute réputation de connaissance des hommes que ce magistrat s’acquit, ni ses causeries philosophiques avec Boileau, sous les bocages d’Auteuil. Saint-Simon dit que ce secrétaire d’état était charmant en riens comme en affaires ; mais il ne le fut sous aucun rapport dans son système d’édits à l’égard des sujets protestants de son maître.

La sévérité du Conseil allait toujours en augmentant[1]. La cour prononça la peine de mort contre ceux « qui auraient directement ou indirectement favorisé et contribué à l’évasion et retraite des nouveaux convertis hors du royaume, soit en les conduisant eux-

  1. « Combien de ceux qui nous écoutent ont des personnes qui leur sont chères, enveloppées dans ce malheur. Où est la famille de nos exilés qui ne puisse s’appliquer ces paroles d’un prophète : ma chair est à Babylone ; mon sang est parmi les habitants de la Chaldée (Jérémie, 51, 35). Ah ! honte de la réformation ; ah ! souvenir digne d’ouvrir une source éternelle de larmes. Rome, qui nous insultes et nous braves, ne prétends pas nous confondre en nous montrant ces galères que tu remplis de nos forçats, dont tu aggraves les peines par les chaînes dont tu les accables, par le bâton dont tu les abats, par le vinaigre que tu verses dans leurs plaies. Ne prétends pas nous confondre en nous montrant ces cachots noirs et puants, inaccessibles à la lumière, et dont tu augmentes l’horreur en laissant les corps morts avec les corps vivants ; mais lieux changés en délices par les influences de la grâce que Dieu verse dans l’âme des prisonniers et par les cantiques d’allégresse qu’ils ne cessent de faire retentir à sa gloire. Ne prétends pas nous confondre en nous montrant ces maisons ruinées, ces familles dispersées et ces troupes fugitives par tous les lieux de l’univers : ces objets sont notre gloire, et tu fais notre éloge en nous insultant. Veux-tu nous couvrir de confusion ; montre, montre-nous les âmes que tu nous as enlevées ; reproche-nous, non que tu as extirpé l’hérésie, mais que tu as fait renier la religion ; non que tu as fait des martyrs, mais que tu as fait des déserteurs de la vérité. C’est ici véritablement notre endroit sensible ; c’est ici où il n’y a point de douleur égale à notre douleur. » (Saurin, Sermon sur le trafic de la vérité.)