que l’esprit de cette invocation de Saurin, où la conviction
de l’Évangile se mêle à la fierté du citoyen, et
où l’on croit entendre battre le cœur du Français sous
la robe du ministre banni ; on verra que cet esprit,
véritablement huguenot et patriote, fut toujours
celui qui anima les églises du désert. Ces paroles si
graves et si instructives pour les rois, il est plus que
probable que Louis XIV ne les connut jamais. Pendant
que Saurin parlait ainsi à La Haye, les journaux
de la cour de Versailles font mention des promenades 1710
Janvier.
du roi à Trianon et à Marly, ainsi que de la comédie
chez madame la duchesse de Bourgogne. « Le spectacle
fut fort beau, nous rapporte le marquis de Dangeau
dans ses notes ; il n’y avait que des dames considérables
et des courtisans. » Ce même mois, le
25 janvier 1710, « le soir, à cinq heures, il y eut des
marionnettes chez madame la duchesse de Bourgogne
pour monseigneur le duc de Bretagne. C’était lui qui
était en place, et madame la duchesse de Bourgogne
se mit auprès du théâtre comme une particulière. »
Tels furent, à Versailles, les événements contemporains
des souhaits de l’orateur de La Haye.
D’ailleurs, ce qui est fort remarquable, toutes les rigueurs de ce code inouï de lois n’arrêtèrent nullement les assemblées des réformés. Malgré les confiscations, les émigrations, les supplices et les exécutions militaires, malgré la clôture de tous les temples, les protestants se réfugièrent dans les endroits les plus écartés. L’édit de Nantes fut révoqué en octobre 1685, et dès le mois de novembre, les assemblées du désert commencèrent dans les Cévennes. La première qui fut surprise avait été convoquée pour la nuit du 19 au 20 février 1686, entre Durfort et Saint-Félix. On y fit des prisonniers, dont deux furent exécutés