Page:Coquet - De la condition des célibataires en droit français.djvu/13

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Vous avez consacré dans la Déclaration des droits que tous les citoyens peuvent parvenir aux mêmes emplois sans autre distinction que celle des vertus et des talents. Je demande où sont les descendants de César, de Pompée, de Bayard, de Saxe, de J.-J. Rousseau, de Voltaire. Je pourrais citer une foule de grands hommes qui se sont illustrés dans la carrière politique, dans la carrière des lettres, dans la carrière militaire et qui ne furent pas mariés ou qui n’eurent pas d’enfants. La motion ne peut être soutenue sérieusement que par une faction d’épouseurs. » On rit, mais on vote, et l’on adopte l’amendement. Je ne sais par quel hasard on n’en trouve pas trace dans le texte définitif de la constitution.

Mais, pour les Anciens, la faction des épouseurs appliqua rigoureusement la loi. Vous savez que les Conseils devaient être composés pour les deux tiers d’ex-conventionnels. Le 5 vendémiaire an V, les nouveaux députés se réunissent en un seul corps, sous la présidence de Rudel, doyen d’âge. On met dans une urne les noms des conventionnels réélus, mariés ou veufs, majeurs de 40 ans, et on tire au sort 167 noms. Même opération pour 83 des nouveaux députés qui, toujours à l’exclusion des célibataires, forment le dernier tiers des Anciens ; tous les autres députés appartiennent aux Cinq-Cents[1]. Il n’est guère, dans notre histoire, de plus beau mélange de politique et de sentiment.

Cette passion de moralité et de vertu qui inspirait nos législateurs se retrouve, vers la même époque, dans les projets fiscaux d’un économiste philanthrope, le baron de Montyon. C’est dans un ouvrage paru en 1808 sous le titre : « Quelle influence ont les divers impôts sur la moralité, l’activité et

  1. Moniteur, Réimp., t. XXVI, p. 349.