Page:Corbière - Les Amours jaunes, 1926.djvu/28

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Sérénades que « le grand pathétique amer[1] » de la Rapsode foraine, du Bossu Bitor, de la Fin ou de la Pastorale de Conlie. Qu’est-ce à dire, sinon que les ressources de la Viviane armoricaine, ses puissances de séduction, sont proprement infinies et que tel qui restera insensible à sa grâce ou à sa langueur ne résistera pas à sa rudesse ? Ubique veneficium.

Corbière, si bien gardé qu’il se crût contre toute surprise, n’y résista pas plus que les autres. Nul doute en effet qu’il n’ait senti profondément la poésie d’une certaine Bretagne au moins, de celle qui étend ses grands horizons mélancoliques à l’ouest de Roscoff, entre Sibiril et l’Aber-Vrac’h, et qui est la plus déshéritée des Bretagnes. Il lui annexa dans la suite quelques croupes pelées de ménez et la triste méotide de Sainte-Anne-la-Palud, avec son placitre grouillant de stropiats et d’ivrognes. Mais ses préférences le reportaient vers la « corbière » du Léon, plus âpre et mieux accordée à sa détresse intime. Pays plat et pauvre, hérissé de calvaires, sans arbres, sans moissons, pays des naufrageurs et des brûleurs de varech, des landes

  1. Expression de M. Léon Bloy.